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jeudi 28 février 2013

L'Allemagne ,arrogante et impitoyable

Ils sont beaux, jeunes et brillants. Ils sont les nouveaux immigrants en Allemagne. "Die neuen Gastarbeiter", titre en "une" le Spiegel.

Ces "nouveaux travailleurs invités" ne sont plus les paysans turcs d'Anatolie des années 1960, venus faire tourner les usines automobiles de RFA. Ils sont italiens, espagnols, grecs ou d'Europe de l'Est.

Diplômés des meilleures universités de leur pays, ils forment "la jeune élite de l'Europe pour l'économie allemande"ou sont cheval de Troie.

Cette semaine, l'hebdomadaire allemand affiche une insolence digne de son confrère britannique The Economist. Il se moque du monde, comme l'Allemagne se fiche de l'Europe.



"Deutschland AG" refuse de délocaliser ses usines, même lorsqu'elle perd la bataille industrielle.

Son néoprotectionnisme l'a conduite à bloquer la fusion entre Airbus et British Aerospace pour protéger ses usines bavaroises. 

Et la voilà qui pille les talents latins, lesquels affluent pour échapper à un chômage endémique.
Le "rêve allemand" célébré sans pudeur par le Spiegel, c'est le cauchemar de l'Europe.

Dans ce contexte, pourquoi pousser des cris d'orfraie en découvrant le résultat des élections italiennes le 25 février ?

Après les technos aux ordres d'Angela Merkel, les populistes ; après "il Professore" Mario Monti, les tristes amuseurs Silvio Berlusconi et Beppe Grillo

Le choix des Italiens est un non cinglant aux recettes européennes, un rejet de la potion de Merkel-Monti.

La couverture du Spiegel le confirme : cette affaire ressemble à un jeu de dupes.
Ainsi s'accentue la crise de légitimité politique dans une Europe prisonnière de l'euro. 

Le Vieux Continent est incapable de remettre à zéro les compteurs de la compétitivité par une bonne dévaluation.
Tout débat sur la parité de l'euro vis-à-vis du dollar ou du yuan est proscrit par l'Allemagne.
L'ajustement se fait sur l'emploi et provoque un chômage de masse, en Europe du Sud mais aussi en France, où il a retrouvé ses niveaux de 1997. Inexorablement, les talents s'exilent.
C'est l'échec de l'Europe.
L'échec de l'euro. 

Fallait-il signer ce traité de Maastricht (1992), qui tourne au désastre ? 

Après l'avoir tant défendu, on finirait par en douter

Curieusement, le sujet reste tabou.
Dans les années 1990, on vendit la monnaie unique en assurant qu'elle permettrait de lutter contre les prétendues dévaluations compétitives des pays du Sud. 

Contresens total : la lecture inverse devrait prévaloir. 

Les dévaluations n'étaient que des bouffées d'oxygène pour compenser ex post le rouleau compresseur de l'industrie allemande.

Sans doute aurait-il fallu écouter à l'époque les mises en garde précoces de Gerhard Schröder.


"Que se passera-t-il lorsque l'outil de la dévaluation ne sera plus disponible en Espagne et en Europe et que l'économie allemande s'imposera partout grâce à ses énormes gains de productivité avec la monnaie unique ?",

 
 Mais le "camarade des patrons" et membre du conseil de surveillance de Volkswagen passait alors pour un horrible néo-bismarckien face au grand européen Helmut Kohl, qui avait su faire l'Allemagne sans défaire l'Europe. 

Gerhard Schröder était inaudible. 
En réalité, son mépris pour l'Europe du Sud, incapable de résister selon lui à l'euro, aurait sans doute plus protégé les Latins que la volonté d'inclusion française, apparemment généreuse mais qui se révèle après coup si ravageuse.

L'euro était un projet politique, serinaient les Français. Politique, ce mot magique devait effacer toutes les contraintes. 

L'économie s'est vengée, et l'Europe du Sud menace de sombrer dans la crise politique et sociale.

Mauvais joueur, nous avions grogné contre les électeurs français et néerlandais qui n'avaient rien compris en votant non à la Constitution européenne de 2005. Aujourd'hui, la menace est plus grande encore. 

Ils sont le deuxième peuple à se rebiffer après les Grecs et ne seront pas les derniers.
Bien malin qui peut prédire le résultat des prochains scrutins en France, entre une droite parlementaire en ruine et une gauche mélenchonisée.

L'alerte des Grecs fut sérieuse, eux qui faillirent se donner aux extrêmes au printemps 2012. Les élections de mai ont consacré l'irruption des néonazis d'Aube dorée, tandis que le Pasok (Parti socialiste grec) était laminé par la gauche populiste de Syriza. 

Seules de nouvelles élections, organisées un mois plus tard, sous la menace d'une expulsion de la zone euro, permirent de former une sorte de grande coalition préservée des extrêmes.

L'issue de la crise italienne n'est pas claire. Elle sonne en tout cas la fin de l'ère des gouvernements techniques, ouverte au G20 de Cannes, en novembre 2011. 

La crise de l'euro est alors à son paroxysme, les traders parient sur la fin de la monnaie unique. Angela Merkel et Nicolas Sarkozy précipitent la chute du premier ministre grec Georges Papandreou, coupable d'avoir voulu organiser un référendum sur le plan de sauvetage-rigueur concocté à Bruxelles quelques jours plus tôt, ainsi que celle de Silvio Berlusconi.
Ils sont remplacés par Lukas Papadémos (novembre 2011-mai 2012), ancien vice-président de la Banque centale européenne, et Mario Monti, "le plus allemand des économistes italiens"

Un rêve de Bruxellois ! Ces gouvernements technocratiques sont par définition éphémères, censés pallier la démission des politiques, incapables de prendre les décisions jugées nécessaires. 

"Les gouvernements technocratiques sont la forme libérale de la crise démocratique, au sens où les technos restent amis de la liberté", commente Dominique Reynié.
Ils chutent une fois leur mission Capitalo-Libéral Débridée accomplie. 
Les premiers ministres technocratiques Lamberto Dini et Romano Prodi avaient pour feuille de route la qualification de l'Italie pour la monnaie unique. Mais Mario Monti n'a pas su tirer son pays du mauvais pas de l'euro ni gagner ses galons politiques en descendant dans l'arène. 
Les élections devaient marquer un retour à la normale. 
Elles ouvrent au contraire la voie vers un inconnu bien sombre, un échec européen qui ne sent pas bon .

D'après un texte de Arnaud Leparmentier

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