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Et
de l'incapacité des services sociaux a éviter ces drames
inéluctables
«Combien
mesurez-vous madame?»
s'enquiert Armelle Blanchard, son avocate. «Un
mètre trente-cinq»,
répond Laetitia V. «Et
combien pesez-vous?».
«40 kg».
«Non,
moins, 35»,
corrige l'avocate. Juste avant, Armelle Blanchard avait demandé à
sa cliente si elle sait ce qu'est le «
QI ».
Réponse de Laetitia V. : «Non».
Se tournant vers la cour, l'avocate avait alors précisé alors que
celui de sa cliente est de 50, soit «l'âge
mental d'un enfant de 8 à 10 ans».
Laetitia
V. est d'ailleurs placée sous curatelle renforcée.
Devant
la cour d'assises de Lyon, la jeune femme paraît minuscule et
perdue. Elle a 27 ans, un petit visage fin et creusé, et les cheveux
tirés en chignon serré entouré d'un chouchou bleu.
Cramponnée
à la barre, elle ne regarde jamais à sa droite. «Pourquoi?»,
lui demande son avocate. «Parce
que j'ai peur »,
répond elle. De ce côté, dans le box des accusés, il y a son
ancien concubin, Laurent T., 30 ans, poursuivi pour «violence
suivie de mutilation ou infirmité permanente sur un mineur de 15 ans
par un ascendant».
Il encourt 20 ans de réclusion criminelle.
La
victime, c'est Djason, le fils de Laetitia V. que Laurent T. a
reconnu alors qu'il n'est pas son père biologique. Aujourd'hui âgé
de deux ans, l'enfant souffre de séquelles neurologiques importantes
: il est aveugle et son développement psychomoteur est restreint.
Au
premier jour du procès, ce lundi, il a d'abord été question de la
personnalité de Laurent T. Fils naturel d'une mère qu'il décrit
comme une «coureuse».
Adopté par le mari de celle-ci, il est le second d'une fratrie de
quatre garçons et une fille. De sa mère, il dit qu'elle le battait
«vachement
fort».
Se décrit comme la «tête
de turc de la famille».
«Je
prenais des coups plus que les autres et à la place des autres».
«Votre
famille, quelque part, ça a pas été évident»,
commente, compatissant, Patrick Wyon, le président de la cour
d'assises.
A
18 ans, Laurent T. se met en ménage avec une voisine de sa
grand-mère. Elle a dix ans de plus que lui et cinq enfants. Il la
frappe. «Vous
avez été violent, vous avez tapé dessus, vous avez essayé de
l'étrangler»,
rappelle le président. Puis, il se choisit une autre concubine,
Nora, invalide à 80% avec laquelle il a une petite fille, Laura.
«Vous
frappiez Nora. Pourquoi? »,
interroge Patrick Wyon. «Je
ne sais pas»,
répond Laurent T.
Puis
c'est la rencontre avec Laetitia V., invalide à 70%, et enceinte de
quatre mois et demi. « Sur
le coup, c'était le bonheur, j'étais avec elle, pour être bien,
fonder une famille »,
raconte-t-il. « Il
était toujours là pour moi »,
confirme-t-elle.
Il
boit «une
bonne vingtaine de canettes de bière par jour»,
fume du shit, ne travaille pas. Sera condamné à plusieurs reprises
pour violences, et fera de la prison.
Au début de
l'audience, le président a rappelé la chronologie des faits. Le 16
septembre 2010, Djason naît. Le 4 novembre, le pédiatre du
service de l'enfance de Vénissieux (Rhône) constate des lésions
sur le ventre du bébé, ainsi que des traces de violences sur ses
poignets et adresse un signalement en urgence au parquet des mineurs
de Lyon.
Le 5 novembre, Djason est conduit à
l'hôpital. Des examens sont pratiqués, mais aucune lésion n'est
constatée.
Le 19 janvier, le bébé est
hospitalisé aux urgences pédiatriques dans un état très grave. Il
souffre d'une fracture du crâne et d'un oedème cérébral.
Le 27, Laurent T. et Laetitia V.
sont placés en garde à vue. La mère admet avoir constaté que le
comportement du bébé avait changé le 16 janvier.
Mais, alors que Djason est, soit
inerte, soit pris de convulsions, Laurent T. la dissuadera de
l'emmener aux urgences pendant trois jours.
Devant la Cour, la jeune femme tente
d'expliquer sa relation avec son concubin. « Avec lui, je
me sentais en sécurité », dit-elle, tout en admettant
qu'il faisait « un peu » peur. «
Quand j'étais enceinte, il m'avait giflée »,
raconte-t-elle. « Je lui ai demandé pourquoi, il m'a dit
: "comme ça" ». « Après
l'accouchement, ça a empiré. Un jour, il m'a étranglée jusqu'à
ce que je ne puisse plus respirer. Après, il a été de plus en plus
méchant avec des mots ».
Laetitia V. avoue ses difficultés à
s'occuper de son enfant. Depuis
sa naissance, c'est son père qui lui donne le bain, le biberon.
Djason
a souvent le hoquet. « Laurent
le faisais sauter en l'air, très haut, il disait que c'était bon
pour sa digestion. Ca me faisait peur. Je lui ai dit d'arrêter des
millions de fois, mais il m'a dit "c'est pas mon premier bébé,
je sais ce que je dois faire" »,
raconte Laetitia à la Cour.
« J'ai protégé mon fils comme je
pouvais mais je n'ai pas pu faire plus car j'avais peur de Laurent »,
insiste-t-elle.
Ces sauts
ont-ils causé les légions neurologiques dont souffre Djason? A la
police et au juge d'instruction, Laurent T. a fourni plusieurs
versions. Dans l'une, il a déclaré que la tête de l'enfant aurait
heurté un jouet musical alors qu'il le mettait au lit. Dans l'autre,
le bébé lui aurait échappé alors qu'il le sortait du bain, et
lors de sa chute, sa tête aurait heurté le carrelage.
Suite des
débats aujourd'hui et jusqu'à jeudi.
Catherine Coroller