ETATS-UNIS
Cède
enfant adopté, 10 ans
3 500 $ hors taxe
COMMENT
des ETATS de L'UNION PEUVENT
PEUVENT-ILS TOLÉRER CE CRIME
d'INFANTICIDE en 2014
de
telles annonce en ligne proposant l'adoption d'enfants
abandonnés
par leurs parents adoptifs.
Des
centaines d’enfants se retrouvent «en vente» sur Internet.
Le
«rehoming» est un business chapeauté par des agences privées,
hors
de tout contrôle.
Dylan
sourit sur la photo. Il a 10 ans, le regard malicieux, et une
passion
pour le jardinage.
«Il
n’a pas été diagnostiqué hyperactif et ne prend pas de
médicaments.
Il est capable de bien se concentrer et il adore faire
des puzzles»,
explique la page Facebook qui le présente à
l’adoption. Même son
«prix» est affiché : 3 500 dollars (2 600
euros) de frais d’agence, plus
200 dollars d’enregistrement et de
1 500 à 2 500 pour les avocats. Le
tout déductible d’impôts,
précise l’annonce publiée sur Second Chance
Adoptions.
Dylan
a été adopté en Russie mais ses parents ne veulent
plus de lui.
Il
est sur le «marché» de «seconde main» : le «rehoming» disent
les
Américains, même si le terme est controversé. Le mot est plus
souvent
employé pour les animaux, et réprouvé par l’agence qui
propose Dylan.
Comme sur un vrai marché d’occasion, les prix sont
aussi cassés :
tandis qu’une adoption internationale coûte
facilement 10 000 à 30 000
dollars aux Etats-Unis, ces enfants
changent de parents pour moitié
moins, parfois même gratuitement.
«Les
parents ne sont pas toujours bien préparés à des enfants qui
peuvent être difficiles», explique Sandra Moats, qui en élève
dix-neuf,
dont dix «réadoptés» abandonnés par leurs premières
familles
américaines.
«Parfois,
le lien ne se fait tout simplement pas. C’est un phénomène
commun, estime cette pasteur dans l’Idaho.
On
en voit entre quinze et vingt par mois auxquels il faut trouver de
nouveaux parents.
Mais
ces drames ont parfois des issues heureuses. Beaucoup de
familles
finissent par trouver leur bonheur et celui de ces enfants.»
Aucun
décompte officiel de ces adoptions de seconde main n’est fait
aux
Etats-Unis, mais on y estime que 1 à 10% des adoptions d’enfants à
«besoins spéciaux» (handicaps ou troubles du comportement) sont
dissoutes, rappelle un récent rapport du Congrès.
Au
regard des plus de 100 000 cas finalisés chaque année dans le pays,
ceux-ci restent donc exceptionnels. Ils se comptent tout de même par
centaines, voire par milliers.
«C’est
notre croix à porter»
Sous
la fiche Facebook de Dylan, ces jours-ci, il y a aussi celles
d’Annie,
Caleb, Janell, Tyler, Tina, Kylie, Tanner, Breanne ou
Vance, adoptés
une première fois à l’étranger ou aux
Etats-Unis.
Tous
sont plus mignons les uns que les autres et leurs histoires,
esquissées en quelques lignes, aussi dramatiques.
Vance
a été accueilli en Europe de l’Est à 3 ans puis dans une famille
américaine et doit, à 12 ans, changer à nouveau de parents. Il est
supathlétique», «intelligent», récolte de bonnes notes à l’école
et n’est
«généralement pas agressif». Mais quatre autres plus
petits ont été
adoptés et Vance «irait sans doute mieux dans un
foyer moins
nombreux où il serait le plus jeune, voire le seul»,
explique sa fiche.
«Nous
faisons là une contribution humanitaire», assure Cyndi Peck,
responsable du programme «Second Chance» de Wasatch International
Adoptions, une agence privée enregistrée dans l’Utah qui gère
cette
page Facebook.
«Ce
n’est pas un programme qui nous rapporte de l’argent», ajoute la
responsable, détaillant, pour preuve, ses tarifs : la famille qui
cède son
enfant ne paye «que» 950 dollars à l’agence, contre 3
500 pour les
réadoptants. Ces frais couvrent à peine le travail de
sélection, explique
Cyndi Peck, racontant passer de longues heures
en conférence
téléphonique avec les parents, actuels et futurs,
pour s’assurer qu’ils
ne cachent rien.
Placer
un enfant lui prend entre quelques semaines et plusieurs mois -
les
plus jeunes et les moins troublés partent plus vite.
Cette
face noire de l’adoption est un scandale
de l’Amérique de Gantanamo… Un infanticide ?
Tout
cela est très douloureux, pour les enfants et les familles qui
doivent se séparer d’eux.
J’ai
souvent les parents en pleurs au téléphone. Ils pensaient que tout
serait merveilleux pour eux comme pour le petit... des montres
excusables ?
Sur
les forums américains spécialisés, on trouve aussi de nombreux
témoignages, souvent très détaillés de ces montres :
«Je
n’arrive pas à m’attacher à eux», racontait , la maman de deux
enfants de 5 et 6 ans, adoptés à leur naissance et dont elle
envisageait
de se séparer.
«Je me sens horrible», avouant avoir mis au monde deux enfants
et
éprouver pour eux des sentiments qu’elle n’a jamais eus pour
les deux
aînés, «J’aimerais vraiment pouvoir les aimer comme mes
enfants
biologiques mais je ne crois pas que je le pourrai.
Mon
mari ne me comprend pas, «il me dit que c’est notre croix à
porter», expliquant dans cet appel au secours que son couple
risquait
aussi de sombrer.
«Il
y a un vrai besoin, confirme un spécialiste américain de l’adoption
qui préfère rester anonyme sur ce dossier trop sensible.
Ce
dont il est question ici, ce n’est pas de simples caprices de
parents
qui n’en peuvent plus parce que le petit Johnny ne fait pas
ses devoirs.
Il
s’agit souvent d’enfants vraiment très troublés, qui vont faire
du mal
à leurs frères et sœurs ou brûler la maison.»
Une
simple procuration suffit
Pour
le professeur Richard Barth, père adoptif lui-même et spécialiste
des services de l’enfance à l’université du Maryland, le
problème est
aussi que ces parents manquent souvent de soutiens et
de structures
auxquelles s’adresser.
Une
famille qui n’arrive plus à faire face à son enfant peut
théoriquement le placer dans un établissement de soins, mais c’est
très
cher.
S’il
a été adopté aux Etats-Unis, certains Etats paieront ses soins
mais
ce n’est pas le cas s’il a été adopté à l’étranger,
observe le professeur
Barth. Des
parents peuvent aussi demander à la justice de le placer
sous la
protection de l’Etat.
Mais
il leur faut alors s’accuser de nuire gravement à l’enfant, et
trouver un tribunal compréhensif.»
Plutôt
que de s’accuser de mauvais traitements, les parents américains
qui veulent abandonner leurs enfants peuvent le faire beaucoup plus
simplement, soit en passant par une agence, soit en trouvant
eux-mêmes un couple de rechange par Internet ou dans leurs
communautés religieuses.
Une
simple procuration enregistrée chez le notaire suffit
pour confier
l’enfant à une nouvelle famille, qui pourra
l’inscrire à
l’école ou toucher des allocations, sans qu’aucun
contrôle ne
soit effectué.
Pour
une réadoption complète, un passage au tribunal est nécessaire et
un minimum de contrôles effectués pour s’assurer que les nouveaux
parents sont bien aptes à l'accueillir.
Sur
un forum Yahoo intitulé «Adopting from Disruption», un
nouvel
enfant était proposé chaque semaine en moyenne ces
cinq dernières
années, a compté l’agence Reuters, qui a
publié une enquête
choc sur ce «marché clandestin des
enfants adoptés», en septembre
2013.
Plusieurs
ont même été ballotés de famille en famille, et
quelques-uns se
sont retrouvés chez des pédophiles
notoires, a révélé Reuters.
A
la suite de cette enquête, Yahoo a fermé le groupe et
plusieurs des
50 Etats américains ont commencé à renforcer
leur législation
pour assurer un peu plus de contrôles.
Une
loi votée en avril au Wisconsin interdit à toute personne
qui n’est
pas spécialement licenciée par l’Etat de faire la
publicité
d’enfants de plus de 1 an et de les présenter à
l’adoption.
Elle
oblige les familles à passer par un tribunal s’ils veulent
transférer la garde à une personne autre qu’un
parent.
Mais
beaucoup d’autres Etats américains continuent de fermer
les
yeux sur ces annonces en ligne et les transferts.
«L’adoption
est suffisamment contrôlée comme cela, estime Sandra
Moats, la
maman de l’Idaho aux 19 enfants.
Ce
qu’il faudrait, c’est plutôt que les parents adoptifs soient
mieux
intégrés dans leurs communautés, qu’ils aient des gens à
qui parler en
cas de difficultés.»
A
69 ans, Sandra est encore en train de finaliser l’accueil d’une
fille de
15 ans, rejetée par sa première famille d’adoption où
elle a passé six
années. Sandra assure ne pas les collectionner
mais répond présente
quand «Dieu», généralement par le biais
d’une agence, lui demande si
elle pourrait accueillir encore un
abandonné.
«Le
voyage est souvent rude avec eux, reconnaît-elle aussi. J’ai même
parfois dû appeler la police chez moi pour une de mes filles qui
voulait
se mutiler ou se suicider.»
Mais
avec beaucoup de présence (Sandra se définit comme «maman
vingt-quatre heures sur vingt-quatre» et les instruit elle-même à
la
maison), elle constate que ses chérubins s’en sortent plutôt
bien.
Les
plus âgés entament maintenant leur vie professionnelle, comme
assistante médicale ou manager de restaurant.
«Le
fait même qu’il y ait tous ces cas de "rehoming" prouve
plutôt que
l’adoption n’est pas correctement encadrée aux
Etats-Unis, estime au
contraire Niels Hoogeveen, adopté lui-même et
confondateur du site
Pound Pup Legacy, qui collecte les récits noirs
d’enfants placés en
familles ou institutions.
L’adoption
est une industrie aux Etats-Unis.
Les
agences privées sont si nombreuses que personne ne peut vraiment
les
contrôler.
Elles
peuvent même avoir intérêt à placer les enfants dans des familles
qui ne leur conviennent pas, pour les replacer ensuite.
Les
dossiers sont aussi finalisés beaucoup trop vite, parfois
immédiatement après l’arrivée de l’enfant aux Etats-Unis.
Il
faudrait prendre deux ou trois ans, pour contrôler ce qui se passe
dans la famille durant ces premiers mois.»
Le
«rehoming» risque aussi de devenir plus fréquent aux Etats-Unis
ces
prochaines années, redoute Adam Pertman, directeur du Donaldson
Adoption Institute : «Avec tous les pays qui se ferment ou réduisent
l’adoption internationale, les enfants adoptés à l’étranger
sont de plus
en plus âgés, ou ont des besoins particuliers.
Et
souvent les parents n’y sont pas assez préparés. Il est temps de
faire
quelque chose, avant que le problème ne s’aggrave.»
Merci a Lorraine MILLOT
Correspondante à Washington