La
zone euro va mieux...
mais
beaucoup reste à faire !!!
C'est
le diagnostic de Jens Weidmann, le
Président de la Bundesbank, la
puissante
banque centrale allemande.
Egalement
membre du conseil des gouverneurs
de la Banque centrale européenne
(BCE),
il
dresse un bilan sans concession de la
politique économique
française.
Selon
lui, Paris doit cesser de réclamer des mesures
favorables à la
croissance à Berlin et se concentrer sur ses
propres réformes
structurelles.
En
juillet, l'inflation s'est encore tassée en France et dans la zone
euro (0,4 %).
Celle-ci
risque-t-elle de sombrer dans la déflation ?
Il
ne le pense pas. Le faible taux d'inflation actuel est alimenté par
trois
facteurs : la baisse des prix de l'énergie et des produits
alimentaires,
l'appréciation de l'euro jusqu'à une date récente et
l'ajustement en
cours dans certains pays, comme l'Espagne ou la
Grèce.
Nous
ne sommes pas dans un scénario déflationniste auto-entretenu,
avec
des stratégies de report des achats de la part des consommateurs.
La
France est-elle l'homme malade de l'Europe ?
Je
me méfie de cette expression, attribuée à l'Allemagne il y a une
quinzaine d'années.
La
France est un pays économiquement puissant, mais comme le dit
lui-même le président Hollande : la France a des défis structurels
à
relever, elle doit redresser sa compétitivité et réduire le
niveau très
élevé de ses dépenses publiques.
Le
gouvernement français a commencé à le faire. Il est important de
continuer afin qu'une France renforcée puisse jouer son rôle au
sein du
moteur franco-allemand. Paris devrait exercer son leadership
en
donnant le bon exemple, notamment en matière budgétaire.
L'euro
fort ne pèse-t-il pas sur la compétitivité des entreprises ?
L'euro
s'est apprécié grâce à la confiance retrouvée des investisseurs.
En
même temps, cette confiance a un effet positif pour les entreprises,
qui profitent aujourd'hui de taux d'intérêt exceptionnellement bas,
leur permettant d'emprunter à bas coût.
La
tentative d'augmenter la compétitivité de nos économies par un
affaiblissement de l'euro ne devrait pas être le fondement de la
monnaie unique.
Une
Europe forte et un euro fort vont de pair.
Surtout
lorsque cette Europe profite de la devaluation salariale de 5
pays
de la zone euros, pour le plus grand bénéfice des
multinationales européennes.
D'ailleurs
l'Allemagne nous propose comme réforme économique, la
solution
espagnole : smic à 900 € et retour aux 40h hebdos,
dégraissage de 15 % de nos fonctionnaires, avec une baisse de
leurs
salaires de 10 %.
Ce
qui reduirait les ventes des produits allemands en France de 13 %…
Mais
il y a de gros nuages noirs
sur la zone
Euro M Jens
WEIDMANN...
la
croissance économique de l'Union Européenne reste anémique.
Les
PIB de la Hollande et de l'Italie ont connu un recul au dernier
trimestre, et celui de la France n'a que très légèrement évolué.
Les
prévisionnistes revoient leurs estimations à la baisse et
envisagent
une croissance de la zone euro d'à peine 1% cette année.
Le
chômage reste à un taux ahurissant de 11,6% dans la zone euro,
comparé à celui des Etats-Unis qui était, au pire de la grande
récession
américaine, de 10%. Il dépasse 25% en Grèce et en
Espagne et est
même encore plus important chez les jeunes.
Une
Europe prisonnière de trois problèmes:
L'Europe
reste prisonnière de trois problèmes - la dette souveraine,
l'euro,
et la fragilité des banques, en dépit des mesures de sécurité
adoptées : le Mécanisme européen de stabilité (MES); les
politiques de
« l'argent facile » et les avoirs en dettes
souveraines de la Banque
Centrale Européenne ; et la reprise en main
en novembre par la BCE de
la supervision de quelques 130 des plus
grosses banques de la zone
euro.
Aucune
de ces réformes n'a été suffisante pour relancer la croissance
dont a désespérément besoin l'Europe.
Les
récentes instabilités politiques mettent en lumière un
mécontentement économique généralisé.
Les
élections au Parlement Européen en mai dernier, qui ont vu la
montée en puissance des partis d'extrême droite, de différents
eurosceptiques, et même gauchistes dans de nombreux pays, nourrie
en partie par la frustration populaire conséquente à la concentration
des pouvoirs par la Commission Européenne, ont laissé les élites
européennes sous le choc.
La
Grande Bretagne envisage un référendum sur son adhésion à l'UE
2017 à moins que certains termes de son adhésion ne soient révisés.
L'incertitude sur les
effets de la consolidation budgétaire
Les
dirigeants élus sont confrontés à une tâche impressionnante :
mettre en place des réformes structurelles difficiles des marchés
du
travail, des systèmes de retraite, et de la fiscalité.
Ces
réformes comportaient déjà un caractère d'urgence avant la crise,
et elles n'en sont encore qu'à leurs étapes préliminaires dans la
plupart des pays, alors que la situation budgétaire des pays les
plus
endettés ne s'est que très modestement améliorée.
Et
l'Italie et la France demandent un répit en matière de déficit
budgétaire et de réglementations sur la dette.
Les
économistes ne sont pas en mesure de déterminer si une
consolidation rapide entraîne des coûts ou des bénéfices à court
terme.
Selon
moi, cela dépend des faits et des circonstances, comme l'ampleur,
la
crédibilité, et la durée de la consolidation ; mais aussi du
mélange
de dépenses et de réductions fiscales, de si la
consolidation est plutôt
d'ordre permanent et structurel (par
exemple, une modification de la
formule de calcul des retraites); et
bien sûr, des choix de politique
monétaire.
Un
rythme de réformes trop lent
Au
regard des perspectives démographiques décevantes de la plupart
des
pays européens, le rythme actuel de la réforme structurelle est
dangereusement insuffisant.
L'Italie
et l'Allemagne se dirigent vers un rapport d'un retraité pour un
actif ; en l'absence d'une croissance plus rapide du PIB, de
nouvelles
politiques d'immigration, d'augmentation de l'âge de la
retraite et
d'efforts visant à limiter les dépenses de protection
sociale, on assistera
à une augmentation inexorable des impôts
pourtant déjà à des niveaux
préjudiciables.
L'Europe
a globalement trois options possibles. La première est le statu
quo
ce qui impliquerait d'élaborer des mesures en réponse aux
mini-crises à venir au fur et à mesure qu'elles apparaissent,
suivant le
modèle adopté ces dernières années.
Compte
tenu des divergences d'intérêts et des problèmes auxquels
différents pays sont confrontés au sein de la zone euro et de l'UE,
et de
la lourdeur des structures de gouvernance et des difficultés
que
posent toute modification des traités, cette option est celle de
la facilité
et probablement celle qui sera retenue.
La
seconde option serait une réforme structurelle sérieuse et
concertée. Cela impliquerait, a minima, des réformes du droit du
travail, des systèmes de retraites, et des provisions
anti-croissance des
codes des impôts. Cela impliquerait aussi de
réellement s'efforcer de
réduire la dette souveraine qui reste un
frein majeur à la croissance et
continue de menacer les banques
européennes.
Les
accords sur la dette existants ne sont pas suffisants en l'absence
d'une croissance forte sur dix ans, ce qui semble pour le moins
improbable. Les gouvernements et les banques d'Europe auront à terme
besoin d'une solution comme les obligations Brady, qui ont bien
fonctionné pour surmonter la crise de la dette sud-américaine dans
les
années 90 et la menace qu'elle posait aux institutions
financières
américaines très exposées.
Comme
ce fut le cas à l'époque, il faudra négocier des options de sortie
et des extensions de crédit.
Cette
approche implique des mesures difficiles, particulièrement pour
les
pays riches ; mais correctement structurées, une réforme
structurelle concertée pourrait relancer la croissance ce qui, en
retour,
entraînera des budgets plus sains, plus d'emplois,
permettrait d'avoir
des bilans plus équilibrés et limiterait les
risques financiers.
Repenser
l'UE dans son ensemble?
La
troisième option serait de repenser et de retravailler l'UE dans son
ensemble, de l'euro à ses institutions fondamentales.
En
tant qu'arrangement de libre-échange, l'UE a été un très grand
succès.
Mais
l'euro n'a de sens économique que pour une partie seulement de
ses
membres actuels, et non pour des pays comme la Grèce dans sa
présente situation.
Certains
économistes ont proposé un euro à deux vitesses, par lequel
les
pays « difficiles » utiliseraient un « euro B » dont la valeur
serait
annexée à « l'euro-A » jusqu'à ce qu'ils soient en mesure
de respecter
les réglementations économiques et financières pour
être réadmis.
Une
meilleure mobilité de la main d'œuvre est un autre grand bénéfice
amené par l'UE.
Mais
les diktats bureaucratiques rigides de la Commission Européenne
ont
porté certaines réglementations trop loin, et les efforts visant à
obliger les pays à faible fiscalité à « harmoniser » leur taux
seraient
dévastateurs pour leurs citoyens et leurs entreprises.
Bien
qu'il soit peu probable que des avancées soient faites concernant
la
deuxième et la troisième option dans un avenir proche, les
dirigeants élus de l'Europe devraient en permanence tester ce qui
fait
sens et ce qui doit être réformé.
La
dernière élection était un signal d'alarme ; les dirigeants
européens
doivent ouvrir les yeux.
D'apres Michael
J. Boskin, professeur en économie à l'université Stanford et
membre de l'Institut Hoover,