La Fable Espagnole de Sarkosy
Vous voulez la gauche, vous aurez la crise comme en Espagne», nous a promis Sarkozy. Au prix de plusieurs approximations.
«Regardez l’Espagne. Voulez-vous la même situation?»
Cette question rhétorique est devenue l'un des procédés
préférés de Nicolas Sarkozy, pour évoquer le drame qui
attendrait la France en cas de victoire socialiste. «L’Espagne
a relâché sa discipline, l’Espagne n’a pas fait les réformes
qu’il fallait faire, l’Espagne a embauché des fonctionnaires»,
a encore martelé le président-candidat, vendredi matin sur Europe
1. Attention toutefois à ne pas vexer nos voisins d'outre-Pyrénées.
Et surtout à ne pas trop s'éloigner des faits.
1. Des comptes publics plutôt positifs
La crise espagnole serait-elle due à un manque de «discipline» ? Examinée au prisme des comptes publics de Madrid, l’affirmation prend du plomb dans l'aile. Ainsi, même au plus mal, le royaume reste nettement moins endetté que la France : 68,5% du PIB contre 85,8%, selon les chiffres d’Eurostat. Un taux qui a diminué constamment entre 1997 et 2007 avant de bondir sous l’effet de la crise, comme dans la plupart des autres pays européens. Il reste encore inférieur à la moyenne de l’Union.
Même constat sur les déficits budgétaires, inférieurs à ceux de Paris entre 1999 et 2007. Le budget espagnol a même été excédentaire entre 2004 et 2007, grâce à la forte croissance connue par le pays au début des années 2000. Il a, en revanche, plus gravement dérapé que le Français à partir de cette date.
Le déficit commercial, enfin, est bien plus important que celui de la France. Mais sa trajectoire est meilleure : il est passé de -10,1% du PIB en 2008 à -4% en 2011, tandis que celui de la France, sur la même période, passait de -1% à -2,2%. Présenter l’Espagne en exemple de laxisme budgétaire est donc hasardeux – à moins d’en faire autant pour la France, gouvernée par la droite depuis dix ans. Nicolas Sarkozy se garde d'ailleurs de mettre en cause les régions autonomes espagnoles, lourdement endettées, dont la plupart sont gérées par le Partido Populare (droite).
2. Une crise bien particulière
Si la crise financière a frappé l’Espagne de plein fouet, elle
s’est surajoutée à une autre crise, celle de l'éclatement d'une
bulle immobilière creé de toute pièce par le patronat ( les
millionaires de la « BRIQUE »)qui gonflait depuis la fin
des années 1990. Comme aux Etats-Unis, le crédit pas cher a
alimenté une frénésie immobilière, mobilisant des centaines de
milliers d’emplois, alimentant le pouvoir d'achat, et comptant
ainsi pour une bonne part de la croissance du pays.
La hausse des taux d'intérêt, décidée par la Banque centrale
européenne à partir de 2006, a commencé à dégonfler cette bulle,
avant que la crise financière importée des Etats-Unis ne transforme
l'atterrissage en débâcle générale. Moins qu'à un supposé
laxisme budgétaire espagnol, c'est donc à une croissance trop
dépendante de l'immobilier que Madrid doit la dégradation de ses
comptes publics et un chômage frôlant le taux
astronomique de 25% de la population active.
Par DOMINIQUE ALBERTINI
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire