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mardi 14 août 2018

Qui trinque



La semaine de quatre 


jours ?

Est-ce bien raisonnable 

Monsieur Blanquer ?


Alors que le ministre de l’Éducation veut réformer l'école à la lumière des connaissances scientifiques, il semble ignorer nombres d'études qui ont prouvé que l'on apprend mieux le matin.

Pourquoi alors envisager la semaine de quatre jours ?

Pourtant, le 27 juin 2017, à peine installé, celui-ci publie un décret qui laisse «la main» aux maires de décider ce que sera la semaine à l’école des enfants de leurs communes. C’était ainsi, de manière cynique, échapper à ses propres responsabilités et organiser sciemment les conflits à venir entre tous les acteurs éducatifs. C’était de manière volontaire déstructurer une politique éducative nationale pour éviter d’assumer la volonté pourtant manifeste de supprimer la réforme des «rythmes éducatifs».



On lit ainsi dans ce décret autorisant la semaine de quatre jours que le directeur académique des services de l’Éducation nationale (Dasen) chargé des écoles et des collèges doit vérifier que «l’organisation envisagée permet de garantir la régularité et la continuité des temps d’apprentissage» !
Que cela peut se concevoir dans une semaine où l’enfant aura des apprentissages deux jours, une journée sans, puis à nouveau deux jours et deux jours sans, ne manque pas d’étonner.
C’est le même ministre qui peut dire en présentant les réflexions à mener sur les vacances, «quatre jours n’est pas mieux que quatre et demi et quatre et demi n’est pas mieux que quatre», «ce qui compte c’est de s’intéresser à ce qui se passe pendant les quatre jours ou pendant les quatre jours et demi et, au-delà de ça, à ce qui se passe pendant les activités périscolaires».

La notion de «surmenage intellectuel»




Pourtant les études scientifiques existent bel et bien, menées depuis longtemps par des psychologues, pédagogues ou médecins.
Dès 1882, Alfred Binet, psychologue connu pour avoir créé la première échelle de développement mental, analyse avec Victor Henri la notion de «surmenage intellectuel» et les conditions de sa production (1) : ils ont mis en place des protocoles pour étudier l’effet de la fatigue sur les diverses fonctions physiologiques et les conséquences psychologiques du travail intellectuel.
Ceci parallèlement à des recherches similaires réalisées par Sikorsky en Russie (2) et Friedriech en Allemagne (3).
Tous obtiennent les mêmes résultats, à savoir que c’est toujours le matin que dictées et opérations complexes sont le mieux réussies, rapidement et sans erreur.
Binet disait aux enseignants, «faites bénéficier vos écoliers de la clarté mentale de la matinée». Près de cent ans plus tard, Pierre Magnin, médecin, recteur de l’académie de Besançon rappelle, en 1993 (4), que «les observations ont montré que la période propice de la matinée s’imposait pour être la plus caractéristique et la plus synchronisée : celle de l’après-midi apparaissant moins intense et moins vigoureuse». Il montre que même en respectant le creux méridien de l’après-midi comme on le doit (repos, sieste, relaxation) «les performances qu’elle permet d’atteindre ou de réaliser restent chez la plupart des individus inférieures à celles de la matinée. La disponibilité́ cérébrale a évolué́».
Le matin est donc bien connu scientifiquement comme étant le meilleur moment pour réaliser avec efficience tous les apprentissages, ce qu’ont bien compris tous les autres pays du monde qui fonctionnent sur 4,5 jours, 5 ou 6 jours. Jamais sur quatre. 
Il est vrai que cela nécessite de changer ses pratiques d’enseignement, la gestion d’une longue matinée n’est pas celle d’une courte, nombre d’inspecteurs de l’Education nationale l’ont entendu.
Quel est l’objectif d’une réforme? D’organiser une plus-value éducative plutôt que de remettre en question celle qui précédait, pour des raisons dogmatiques. D’autre part les expériences menées sur quatre jours à partir de 1991 ont été évaluées. 
Si, selon Desclaux et Desdouet (1994) la semaine de quatre jours n’a pas d’incidence particulière sur les performances intellectuelles d’enfants vivant dans un environnement socio-culturel dit «normal», il en va tout autrement dans les ZEP des zones sensibles.
Au CP, entre autres, les élèves sont moins vigilants, ont plus de comportements scolaires inadaptés et dorment moins que ceux présents quatre jours et demi par semaine. Veut-on vraiment aider chaque enfant à réussir ?

Projets éducatifs et partenariats

Une vraie innovation, que ne cesse d’appeler de ses vœux le ministre, serait de modifier les terminologies franco-françaises qui ne font que renforcer le scolaro-centrisme de la vie des enfants. 
Le temps scolaire ne représente que moins de 10% du temps de vie global d’un enfant, cessons donc de parler de rythmes «scolaires», les rythmes ayant d’ailleurs une définition qu’il serait bon de faire connaître, et parlons des temps de l’enfant et de leur aménagement. 
100% de ses temps de vie sont alors considérés, on peut s’intéresser à leurs contenus, ce qui incite évidemment à créer des partenariats pour que la coéducation devienne réalité.
Car chaque acteur de la communauté éducative, de l’enseignant au parent en passant par tous les intervenants autres, a une responsabilité dans la bonne gestion des temps de l’enfant.
C’était le grand mérite des projets éducatifs territoriaux (PEDT) qui ont permis de construire localement des partenariats formidables et d’ouvrir l’école sur les parents mais aussi sur les communes et les associations d’éducation populaire.
S’interroger sur ce qui fait éducation chez l’enfant est dès lors nécessaire, car éduquer n’est pas le propre de l’école.
C’était exactement ce qu’incitait à faire les PEDT.
On les supprime avant de leur avoir permis de prendre leur vitesse de croisière.
Dans le département du Nord par exemple, deux villes de plus de 20 000 habitants garderont à la rentrée les «rythmes éducatifs» intégrés à leur projet éducatif global : Lomme et Grande-Synthe. 
C’est aussi le cas de beaucoup de grandes villes éducatrices, de la communauté de communes du Pays fléchois, de Tarnos, de l’Ariège… qui modifient leur organisation pour à la fois rester à 4,5 jours mais mieux encore respecter les rythmes des enfants.
L’histoire nous montre que la France ne cesse de remettre à plat ses «rythmes scolaires», confondant ainsi l’enfant avec une balle de ping-pong que se renvoient les ministres successifs.
N’est-il pas urgent de trouver une organisation capable d’être pérennisée et d’accorder ainsi aux enfants une stabilité au long de son parcours scolaire ?
Un enfant né en 2008, rentré en petite section en 2011, pourra connaître deux changements d’organisation du temps scolaire avant sa sortie de CM2. Pour revenir à 4,5 jours en entrant en 6e. Est-ce raisonnable monsieur Blanquer ? Vraiment ?



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