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mercredi 7 octobre 2015

L'ERREUR ECONOMIQUE





Dire d'un État qu'il est surendetté,

est un argument purement idéologique»



Selon le dernier rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, un ralentissement de l'économie ne pourra être évité si les pays riches continuent de faire de l'austérité budgétaire.

Les pays riches doivent, pour relancer leur économie, stimuler la demande, d’une faiblesse chronique, en augmentant les dépenses publiques et en relevant les salaires. Les experts de la Cnuced estiment que les pays développés ne sont pas, comme l’affirment nombre d’économistes, dans une «phase de stagnation séculaire». Ils assurent que les pays riches ont globalement négligé le rôle de la diminution de la part salariale et du creusement des inégalités dans la contraction de la demande et de l’investissement privé.



Alfredo Calcagno est responsable de la division macroéconomie et développement de l'agence onusienne, il estime que seuls les Etats peuvent relancer l’économie mondiale.
Et cela malgré le niveau des dettes publiques qui affectent la plupart des budgets nationaux.
Comment se porte l’économie mondiale?
Plutôt mal.
Son taux de croissance ne devrait pas dépasser les 2,4% cette année. Nous sommes bien loin des 4% d’avant la crise de 2008. Les politiques monétaires accommodantes adoptées par la plupart des grandes banques centrales restent inopérantes. Pire encore, les décideurs de la plupart des pays riches restent convaincus qu’il faut poursuivre des politiques de restrictions budgétaires. Sans compter que les salaires ont baissé en moyenne de 10% dans l’ensemble des pays dits développés.
Ce serait la conjugaison de ces trois facteurs qui explique donc la faiblesse de la croissance mondiale?
Oui, essentiellement. Mais cette faiblesse reflète surtout une demande globale atone. La plupart des pays se sont enfermés dans un cadre de raisonnement qui a impliqué l’adoption de politiques économiques inefficaces. Autrement dit, que ce soit en Europe ou ailleurs, nous voyons que la majorité des dirigeants politiques ont tenté de compenser l’insuffisance de leur demande intérieure en misant sur les marchés extérieurs. Or, cette tentative de reconquête d’une croissance interne par le biais des exportations peut fonctionner pour un pays, ou même un petit nombre de pays, et cela à condition que d’autres augmentent leur demande. Mais ce n’est pas la réalité. Nous nous retrouvons dans une inconsistance globale car tout le monde freine en même temps.
Pourquoi estimez-vous que l’instabilité financière ne cesse de prendre de l’ampleur?
Au lendemain de la crise, en 2008 et 2009, la plupart des pays ont adopté des politiques budgétaires expansionnistes. Il s’agissait alors de tout faire pour éviter un emballement de la crise. Et de tout faire pour soutenir l’activité économique. On connaît la suite. A peine étaient-ils rassurés par l’accalmie de la crise financière que la plupart des pays développés se sont lancés dans des politiques d’austérité budgétaires. Un peu plus tard, ce sont les politiques monétaires qui prenaient la relève. Mais dès le début de cette prétendue thérapie, nous avons mis en garde contre les dangers de ces politiques monétaires qualifiées d’accommodantes.
Pourquoi ?
Pour la simple raison qu’une politique monétaire ne suffit pas, à elle seule, à sortir une économie de la dépression. Même si les taux d’intérêt des banques centrales restent bas et la quantité de monnaie mise à la disposition des banques commerciale augmente, ces dernières refusent de prêter. Et pour cause : la plupart en profitent pour diminuer le niveau de leur risque financier. Le problème c’est qu’en face de ces banques, nous avons aussi des entreprises et des ménages qui ne veulent pas s’endetter davantage. Nous savons que l’émission de monnaie des banques centrales, tant en Europe, au Japon, qu’aux Etats-Unis a été multiplié par deux ou trois. Et pourtant, l’encéphalogramme de l’économie réelle reste désespérément plat. Elles ont beau déverser des tonnes de monnaies dans les rouages des banques, il ne se passe rien. Ou si peu...
Il n’y a donc pas eu de transmission de la politique monétaire à l’économie réelle…
Exactement. Les banques centrales ont déversé des centaines de milliards d’euros ou de dollars pour des résultats, en termes de croissance, insignifiants. Les effets de ces politiques monétaires sont d’autant plus préoccupants qu’ils n’ont cessé de déstabiliser le système financier international.
Comment?
D’une façon assez simple. Il y a une forte corrélation entre la largesse des politiques monétaires pratiquées par les grandes banques centrales et l’envolée des indices boursiers. Les indices des grandes places financières se sont déconnectés de la réalité économique. Ce n’est pas une première. Nous n’avons pas tiré les leçons des excès d’une dérive de la financiarisation de l’économie mondiale. De la même manière nous voyons à quel point les pays en développement et les pays émergents sont liés aux politiques monétaires des banques centrales, notamment de la Fed aux Etats-Unis. En clair, l’argent de la Fed a pris le chemin des pays émergents au point d’apprécier leur monnaie. L’ennui, c’est qu’au moindre retournement, comme une possible hausse des taux aux Etats-Unis, se traduit par une fragilisation de ces économies.
Que fallait-il faire?
Augmenter les dépenses budgétaires, et ce d’abord dans les pays riches. N’en déplaise à ceux qui ne cessent de nous affirmer le contraire.
Même leFMI en convientdésormais, le multiplicateur budgétaire est très élevé.
En clair, augmenter les dépenses publiques d’un euro se traduit par une hausse du PIB de près de 1,5 euro.
Et c’est ce mécanisme d’augmentation de la demande publique qui permet de relancer la demande et, in fine, d’augmenter les recettes fiscales, permettant ainsi d’honorer le remboursement des dettes publiques.
De plus, une coordination des politiques favorables à la hausse des revenus entraînerait une augmentation de la demande, créerait des débouchés pour les investissements privés et aurait des retombées plus larges...
Mais quel pays pourrait se permettre une telle politique de relance keynésienne vu les niveaux d’endettement de la plupart des Etats?
L’argument qu’on nous oppose est toujours le même: "les Etats sont surendettés, ils n’ont plus la moindre marge d’endettement".
Ceux qui nous rebattent les oreilles avec ce genre d’argument purement idéologique oublient une chose.
A côté des Etats, certes endettés, les ménages le sont tout autant. Idem pour les entreprises.
Dans une telle situation d’endettement généralisé, qui d’autre que les Etats pourrait jouer le rôle de moteur de la relance?
Une nouvelle impulsion de relance doit être pilotée par les Etats.
Il y a un déficit de demande au niveau mondial.
On ne peut pas faire comme si le monde n’avait pas besoin de construire de nouvelles infrastructures.
En outre, comment imaginer que l’on puisse réellement basculer dans une économie décarbonée sans que les Etats n’aient un rôle moteur sur le plan financier.
Tout est question de choix. Tout dépendra du choix des investissements publics. Ceux qui nous disent qu’il existe un horizon indépassable en termes de pourcentage d’endettement public se trompent.
L’histoire nous prouve le contraire. Et faut-il rappeler qu’un Etat n’est pas un ménage?
Il faut penser l’investissement public dans son double rôle d’offre et de demande. 
C’est-à-dire?
Lorsqu’on investit, on crée de la demande et, en même temps, on augmente les capacités d’offre tout en restructurant les économies et en faisant des changements qualitatifs.
L’endettement public n’empêche pas les réformes de structure qui sont nécessaires.
Malgré les taux d’endettement relativement importants des Etats, il est encore possible de jouer sur le levier de la dette à condition que l’allocation des investissements publics se fasse sur des secteurs d’avenir.
Et encore une fois, la transition énergétique est de ce point de vue formidable car elle ne se limite pas au simple financement des éoliennes.
Certes, l’endettement public serait augmenté dans un premier temps. Mais il faut raisonner de manière dynamique et imaginer ce que pourrait générer une relance publique via des secteurs d’avenir. Retrouver une croissance c’est se donner la possibilité de se désendetter.
Les dettes publiques sont pourtant considérées comme de plus en plus insoutenables…
Ce qui fait l’insoutenabilité des dettes, c’est le manque de croissance et non pas un quelconque niveau de pourcentage de dette.
Il faut penser la dette publique non pas avec un chiffre magique du genre "on peut pas dépasser 90% de la dette par ce qu’ensuite c’est l’apocalypse économique"… Ce qui nous faut maintenant, c’est un déclencheur. Et ce déclencheur, ce sont les Etats.

Victorio de FILIPPIS 

1 commentaire:

  1. Toutes dépenses ou investissements devient salaires, des impôts, du pouvoir d'achat ,de la TVA, etc...

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